Roxane, le café cacao de sa famille malgré elle

Roxane

Jeune, intelligente et jolie, Roxane, du haut de ses 21 ans, à un parcours de vie chaotique.

Si je vous écris son histoire aujourd’hui, c’est pour éviter d’écrire des RIP dans quelques jours, dans quelques mois ou  dans quelques années quand elle succombera aux coups de la vie et  aux violences familiales et domestiques dont elle est victime.

Issue d’une famille plus décomposée que recomposée, elle vit aujourd’hui un enfer psychologique dans lequel aucune femme ne devrait se retrouver.

Le début du calvaire

Tout a commencé lors de la retraite de son père, qui après 30 ans de service à la gendarmerie n’avait aucune économie, aucune réalisation.  Du jour au lendemain, Roxane et ses frères et ses parents sont expulsés de la maison que payait à l’époque l’Etat. Ils se  retrouvent donc séparés dans des maisons différentes. Sa mère, sa cousine et elle-même trouvent refuge chez une tante qui a bien voulu les héberger le temps de trouver un endroit, Roxane avait alors 17 ans. Son père, son petit frère et sa grande sœur se retrouvent ailleurs… Les années passent, la situation financière de sa famille ne se dénoue pas.

Ne pouvant plus subvenir à ses besoins, son père lui intima l’ordre d’arrêter l’école. Consciente que son avenir dépendait aussi de ses diplômes, Roxane décide de s’accrocher et sa mère promet de l’aider. C’est comme ça qu’elle avance mais avec beaucoup de difficultés.

Ces parents mariés légalement ne sont plus en de bons termes. Ils ne se parlent plus, ne vivent plus ensemble et les enfants en paient les frais.

Le calvaire de Roxane commence quand sa mère décide qu’elle lui revient trop chère. Pour sa mère, c’est à elle Roxane d’apporter du pain à la maison. Elle est belle, elle est jeune, que fait-elle de ses charmes ? Elle n’avait pourtant pas encore 19 ans à ce moment-là. Du coup, par faute de moyen, Roxane n’allait à l’école que quand elle arrivait à trouver au moins 300 francs pour son transport, car sa maman ne voulait plus l’aider. Les jours où elle ne trouvait pas cette modique somme, Roxane ratait malgré elle les cours. D’ailleurs, cette somme de 300 fr servait à la faire partir à l’école, mais n’assurait pas le coût de son retour; elle devait donc demander à ses amis, çà et là, de quoi retourner à la maison après les cours.

Le café cacao de la famille

Le véritable enfer s’ouvre quand Roxane et sa mère arrivent chez celle qu’elle appelle affectueusement ‘’mémé’’. La grand-mère de Roxane est propriétaire d’un maquis. Très tôt, elle décide de trouver un homme à sa petite fille. Alors, elle refourgue le numéro de téléphone de cette dernière aux hommes qu’elle estime aisés. Roxane me confie qu’elle n’était pas intéressée par ces hommes; alors quand ils téléphonaient, elle le faisait savoir. Et quand mémé apprenait que Roxane avait dit non aux avances de ces hommes, elle la punissait: plus de nourriture à la maison, plus aucunes paroles à son égard…

L’histoire de Roxane, c’est l’histoire d’une jeune fille dont la famille attend d’elle qu’elle se vende au plus offrant, mais qui a trop d’intégrité, de rêves, de foi et de respect pour tomber dans la facilité.

Malheureusement au bout d’un moment, la mère et la grand-mère de Roxane trouvent un homme pour elle.  Il est gendarme, il a 34 ans. Roxane ne l’aime pas, ne le veut pas… Et quand elle dit non… c’est la faim qui la tue au quotidien.

D’ailleurs, sa santé prendra des coups. Elle se retrouvera paralysée durant un bon moment. Mais cette santé fragile n’arrêtera pas sa famille qui en elle voit une poule aux oeufs d’or.  5 mois d’une hernie discale qui freina sa scolarité. Cette lycéenne en a bavé, entre santé et pression familiale.

Du récit de Roxane, j’en viens à la partie qui m’a le plus brisé… Sa mère se retrouve malade et annonce à Roxane qu’elle n’a pas les moyens de se soigner. Elle supplie alors sa fille en lui demandant de se rendre chez ce jeune gendarme, afin de lui soutirer de l’argent pour l’aider, elle, sa mère !

La violence commence

Roxane aime sa famille, Roxane respecte ses parents, car quand elle me raconte son histoire, elle garde le respect pour eux malgré tous les maux. Alors voyant sa mère malade et n’ayant rien elle-même, elle décide d’aller voir ce jeune gendarme pour lui demander de l’aide. Il accepte, mais la contrepartie est une déchirure pour Roxane. Elle pleure, quand elle m’avoue avoir couché avec lui pour avoir de l’argent pour aider sa mère.

Elle me dit qu’elle a honte, mais diable je me sens révoltée, car ce viol non pas physique mais psychologique est un acte abominable.

Roxane donc, obtient l’argent, aide sa mère à se faire soigner. Mais soudain, sa mère apporte progressivement les affaires de Roxane au domicile du jeune homme. Hé oui, pour sa mère, c’était maintenant son foyer et elle doit y rester. Incompréhension, indignation pour Roxane, car elle ne l’aime pas… elle ne le veut pas, mais quand on n’a rien pour soi et que notre famille tourne le dos, on apprend à se résigner.

La voilà donc vivant de force avec un homme. En plus, cet homme est violent. Un soir, lors d’une dispute, il la bat sauvagement. Le beau visage Roxane est enflé, les hématomes logent sur son corps. Prise de peur, elle appelle sa mère au secours. Sa mère arrive sur les lieux du crime et prend la victime pour cible. Elle l’insulte, et lui dit qu’une femme a le devoir de tout supporter. Cette mère laissera ce soir-là sa fille dans une maison dans laquelle elle ne veut pas rester, avec en plus un homme enragé.

 

Les coups, les méchancetés, la vie de prisonnière voilà ce qui sera le quotidien de Roxane jusqu’à ce que sa santé lui rappelle qu’elle est fragile. Gravement malade elle se retrouve. Sa mère soudainement effrayée vient demander la permission à son ‘’gendre’’ de récupérer sa fille afin de la soigner. C’est la libération !

Roxane retourne chez sa mémé. Elle est soignée. Elle pense que tout s’arrangera à présent. Mais au bout de quelques jours, sa mère lui dit qu’il est temps de retourner dans son foyer. Mais quel foyer ? Un homme qui n’a pourtant jamais déposé ne serais-ce qu’un cola ou une boisson en guise d’engagement. Et comment cette mère osait-elle encore vouloir la remettre aux mains de cet homme qui risquait de la tuer ?

Tous les jours, sa mère et sa mémé lui demandent de s’en aller chez son mari jusqu’à ce qu’un soir en pleine nuit, Roxane est mise à la porte par sa mémé, qui n’est autre que la tante de sa mère. Elle lui ordonne de retourner chez le gendarme. Et la mère de Roxane restera silencieuse ce soir là. Laissant sa fille partir.

Roxane est intelligente, elle préfère la galère et la misère à la tristesse et la mort. Elle fuit. Elle trouve refuge chez des amis. Depuis 3 semaines, elle est SDF et recherchée par sa famille qui essaie de la retrouver pour l’emmener à nouveau dans les bras de la mort, chez son supposé mari.

 

Une lueur d’espoir

J’ai été alarmée par sa situation grâce à une de ses amis. Pendant une semaine, je n’ai su quoi faire… puis cette semaine, j’ai décidé de lui écrire. Sa photo de profil WhatsApp montre l’image d’une jeune fille très belle et souriante. Et à la question de savoir si c’était elle sur cette photo, elle m’a répondu : « c’était moi quand tout allait bien » . En elle, je vois une petite sœur, une femme qui le droit au bonheur et la dignité. Elle n’a pas le fait le choix d’une vie si pénible. Aujourd’hui son avenir est entre des parenthèses ! Elle ne vit plus, elle essaie de survivre. Pourtant elle ne demande pas la pitié, d’ailleurs quand j’ai voulu savoir ce qu’elle voulait aujourd’hui elle m’a répondu «  Au moins valider mon année et obtenir mon diplôme cette année (Bac). Et comme je n’ai personne pour m’aider avec l’école ou pour mes problèmes de santé ; je voudrais au moins une activité qui pourrait me rapporter. Me permettre de manger et m’occuper de moi. Puis avec mes économies un peu, un peu, je m’inscrirai pour continuer les 2 ans qui me restent et obtenir mon BTS ».

Si je prête ma plume à Roxane, c’est pour vous demander à vous tous, qu’est-ce qu’on peut faire pour l’aider ? Nous avons la possibilité de sauver une jeune femme et de faire une bonne action. Ensemble, nous sommes une force. Alors à travers elle, luttons contre les violences faites aux femmes, contre la violence psychologique et aidons une future grande dame de notre pays à retourner à l’école et à avoir ses diplômes.

Aujourd’hui, elle n’est plus que l’ombre d’elle même. Le sourire, le regard, tout a changé. De son histoire, Roxane ne m’a pas tout dit et je comprends car il y a des choses trop douloureuses qu’on garde pour soi. Il y a des personnes qu’on essaie de protéger. Mais à 21 ans, passer d’une hernie discale, à une perte de la vision temporaire… c’est lourd ! Je ne sais pas pourquoi cet enfant est devenu le souffre douleur de ses parents, une chose est certaine: on fait des enfants pour leur donner le meilleur, quelque soit les erreurs qu’ils font, ils ont besoin d’amour et de sécurité. Si j’écris pour elle aujourd’hui, c’est parce que je suis fière d’elle et de son courage. D’autres filles auraient fait le choix de la prostitution  pour vivre, mais elle a choisi la misère et l’intégrité. 21 ans, quel bel âge ! À son âge, je rêvais encore , j’étais amoureuse de qui je voulais, j’étudiais et forgeais la jeune femme que je suis aujourd’hui. C’est le moment pour elle de se construire, mais avec quelle base?

J’ai créé Women Testimony pour ce genre de cas, pour donner la parole à ces femmes et jeunes filles qui n’en peuvent plus de se battre seules. Pourtant, je n’ai rien à offrir de financier ou de matériel. Tout ce que je peux faire, je le fais en ce moment en demandant de l’aide à chacun de vous et j’ai très bon espoir qu’on ramènera Roxane à la vie, celle qui ne la blessera plus au quotidien.

 

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